« Pour Bibliothèque et Archives Canada, le projet des Productions de la Ruelle est l’occasion en or de rendre la collection disponible. »
Par Julie Barlow
Avec plus de 50 millions de visiteurs, Expo 67 a été un moment magique de l’histoire canadienne, qui a donné confiance aux Canadiens dans leurs capacités d’organiser un événement d’envergure mondiale.
Mais à quelques mois de l’ouverture, le public Américain, sur lequel misaient les organisateurs, demeurait sceptique. À tel point qu’Yves Jasmin, chef des relations publiques d’Expo, décide de frapper un grand coup. En pleine guerre froide, il achète une page de publicité dans le magazine LIFE.
L’image montre le Pavillon soviétique, et le message évoque un épisode fameux de la guerre froide, celui de la crise des missiles de Cuba en 1962 : « Voici ce que les Russes construisent à 60 miles de la frontière américaine ! »
« Cette publicité-choc illustre les obstacles phénoménaux que les organisateurs d’Expo 67 ont dû surmonter », dit Guylaine Maroist, associée des Productions de la Ruelle, qui a fait de ces difficultés le thème de son film Expo 67 Mission impossible. Cette histoire, elle a pu la raconter grâce à la redécouverte de plus de 3000 documents parvenus jusqu’à nos jours grâce à Bibliothèque et Archives Canada.
« Le film aurait été moins riche sans ces documents, qui apportent beaucoup de précision et de profondeur à l’histoire. »
L’histoire du « Fonds de l’Expo », comme on le surnomme chez Bibliothèque et Archives Canada, est une petite aventure en soi. À la fermeture d’Expo 67, c’est à la responsable du protocole et des relations médias, Diana Nicholson, qu’incombe la tâche de « fermer les livres ».
Crédit photo – Productions de la ruelle
Son équipe passe le plus clair de l’année 1968 à compiler les revues de presse, le matériel publicitaire, les milliers de photos, les films, les communiqués de presse, les exemplaires de Nouvelles d’Expo, les maquettes, les plans des pavillons, les dossiers confidentiels.
Véritable trésor, les 80 000 documents et objets, contenus dans quelques centaines de boîtes, prennent le chemin des archives fédérales à Ottawa. Et ce sera d’autant plus de travail que le matériel est réparti entre deux sites, le Bureau de consultation, rue Wellington à Ottawa, et le spectaculaire Centre de préservation à Gatineau.
Crédit photo – Productions de la ruelle
Au printemps 2016, lorsque les Productions de la Ruelle contactent Bibliothèque et Archives Canada pour consulter les documents, Guylaine Maroist apprend que ces boîtes n’ont jamais été ouvertes depuis leur fermeture. Mais des boîtes d’archives, ça ne se déballe pas comme un cadeau de Noël. Pour rendre les documents historiques utilisables, il faut les classer, les décrire, leur donner une cote, les restaurer et les numériser.
Pour Bibliothèque et Archives Canada, le projet des Productions de la Ruelle est l’occasion en or de rendre la collection disponible. « C’était le moment de se remémorer de bons souvenirs, de revoir les images et de repenser à cette période où tout semblait possible », dit Robert Grandmaître, directeur de la division des services de référence.
Crédit photo – Les Productions de la ruelle et Jean-François Leblanc
Les huit employés affectés à la tâche mettront cinq mois pour traiter 3000 des 80 000 documents et objets contenus. « Nous n’avons pu décrire et rendre accessible sur nos bases de données numériques qu’une infime partie du matériel photographique », dit Emma Hamilton-Hobbs, archiviste, encore étonnée de la quantité de photos prises à l’improviste.
Tous les documents ne sont pas d’égale valeur : priorité a été donnée aux plus importants et aux plus fragiles « Plusieurs documents auraient pu être perdus à jamais », dit Paul Gordon, restaurateur de films.
Crédit photo – Les Productions de la ruelle et Jean-François Leblanc
Grâce au travail de Bibliothèque et Archives Canada, les générations futures de chercheurs et de curieux pourront étudier de près cet évènement majeur de l’histoire canadienne et des fêtes du centenaire de la Confédération. « Il s’agit, véritablement, de la matérialisation d’une aventure que l’on connaissait généralement par les témoignages de ceux qui l’ont vécue, ses artisans et ses participants », dit Guylaine Maroist. « Et on sait que les souvenirs ne sont jamais aussi fiables que les documents…